lundi 10 septembre 2018

Acromégalie



Acromégalie



ACROMEGALIE
Signes-Diagnostic-Traitement

Décrite par Pierre Marie comme « une hypertrophie singulière des extrémités céphalique et des membres », l’acromégalie est une hypersécrétion d’hormone de croissance (growth hormone [GH]), par un adénome hypophysaire somatotrope dans plus de 95 % des cas.

·         Affection rare
·         Cause endocrinienne d’HTA secondaire
·         Age moyen est de 40 ans, avec un sex ratio à 1
·         Les causes sont multiples, dominées par celles d’origine hypophysaire
·         Diagnostic souvent tardif (4 à 10 ans) et repose sur l’augmentation de la GH et de l’IGF-1 plasmatiques
·         Affection grave par ses complications diverses, surtout cardiovasculaires mettant en jeu le pronostic vital


·         Syndrome dysmorphique
·         SF : sueurs nocturnes, abondantes et malodorantes ; asthénie et parfois un syndrome dépressif ; paresthésie des mains ; arthralgies
·         Complications : insuffisance cardiaque globale, syndrome d’apnées du sommeil, syndrome du canal carpien, lithiases urinaires
Syndrome dysmorphique ou dysmorphie acromégalique
·         Les extrémités (mains, pieds)     sont    élargies,
en “battoir”,
·         Hypertrophie des éminences thénar et hypothénar
·         Les doigts sont    élargis,
épaissis,
boudinés,
·         Epaississement de la peau            de la paume des mains
et de la plante des pieds.
Le patient a dû, au cours des dernières années, faire élargir bague ou alliance et changer de pointure.
·         Le visage est caractéristique (tous les patients acromégales se ressemblent) :
·         Des bosses frontale et occipitale
·         Les pommettes sont saillantes,
·         Une hypertrophie de l’os nasal, donnant un nez             élargi,
épaissi,
·         Un épaississement des maxillaires,
·         Une séparation des dents, une tendance au prognathisme avec une malocclusion des mâchoires.
·         Les lèvres épaisses et les rides sont marquées.
·         La peau,     très épaissie au niveau du front,
peut donner un aspect “cérébriforme”
Parfois des déformations du squelette (si acromégalie ancienne) :
cyphose dorsale,
sternum projeté en avant,
voire aspect en “polichinelle”.
La comparaison à des photographies antérieures met en évidence la transformation lente, insidieuse, sur plusieurs années.
a.      Imagerie
i.            Radiographies du crâne   
·         un épaississement de la voûte crânienne et des protubérances,
·         une hyperostose frontale interne
·         et une hypertrophie des sinus.
ii.            Radiographies des membres
·         une hypertrophie de la houppe des phalangettes,
·         un élargissement              de la base des phalanges,
des corticales diaphysaires sans liseré périosté,
des interlignes par hypertrophie du cartilage articulaire
avec parfois des ostéophytes.
iii.            La densité minérale osseuse
·         Augmentée au niveau du col fémoral
·         et normale au niveau du rachis.
b.      Biologie
i.            Tests statiques
·         Dosage de la GH basale
Dosages immuno-radiométriques, fluoro-métriques ou par chimi-luminescence.
Si la concentration de GH < 0,4 g/l (1,2 mUI/l) et si celle d’IGF-1 est normale, l’acromégalie est éliminée.
Si elle est > 0,4 g/l (1,2 mUI/l) et/ou si l’IGF-1 est augmentée,
une hyperglycémie provoquée orale (HGPO) doit être pratiquée.
Si la valeur la plus basse (nadir) de GH au cours de l’HGPO < 1 g/l (3 mUI/l), l’acromégalie est éliminée.
Si elle reste > 1 g/l (3 mUI/l), l’acromégalie est confirmée.
·         Dosage de l’IGF-1
La concentration d’IGF-1 augmente de façon parallèle au logarithme de la concentration de GH.
Appréciée selon des normes établies en fonction de l’âge (l’IGF-1 diminue avec l’âge).
·         Cycle de GH
Dosage de la GH toutes les 4 à 8 heures
La concentration de GH reste élevée à tous les points du cycle, aucun point n’est inférieur à la limite de détection du dosage.
ii.            Tests dynamiques
·         HGPO avec dosages de GH et d’IGF-1.
·         Tests de stimulation à la TRH et/ou GnRH, sans intérêt diagnostique.
a.      Eléments de surveillance
·         Cliniques : examen neurologique, cardiovasculaire, ostéo-articulaire, endocrinien
·         Biologiques : GH et IGF-1 plasmatiques
b.      Modalités évolutives-Pronostic
L’acromégalie est associée à une surmortalité, en particulier chez les femmes.
La concentration de GH obtenue après traitement est probablement le meilleur indice prédictif de survie, quelle que soit la cause du décès, et cela indépendamment du type de complications : lorsque la GH est inférieure à 2 g/l ou l’IGF-1 normalisé, l’espérance de vie redevient similaire à celle de la population générale appariée. Le pronostic de l’acromégalie s’est amélioré ces 20 dernières années, probablement du fait du traitement plus « agressif » de l’acromégalie mais aussi de la meilleure prise en charge des comorbidités. Même si l’acromégalie est guérie ou contrôlée, les patients gardent des séquelles (arthropathie, déformations...).
Ailleurs, l’évolution peut être émaillée de complications.

a.      Complications neurologiques
Le syndrome du canal carpien se traduit une compression du nerf médian dans un canal ostéo-ligamentaire inextensible, situé à la partie proximale de la région palmaire.
·         Acroparesthésies    douloureuses
                                               nocturnes
                                               dans le territoire du nerf médian
                                               irradiant vers l’avant-bras voire l’épaule homolatérale
                                               partiellement soulagées par le secouement des mains ou la position
déclive
·         Amyotrophie de l’éminence thénar
·         Signe de    Tinel +++
                        Phalen
·         Testing de l’opposition du pouce
·         L’échographie du coude visualise    l’oedème du nerf médian et ulnaire (cubital),
parfois à l’origine d’un syndrome ulnaire.
b.      Complications cardiovasculaires
La première cause de mortalité chez les acromégales.
i.            HTA
D’autant plus fréquente que la maladie est plus ancienne, la GH plus élevée et l’âge des patients supérieur.
ii.            Cardiomyopathie   
·         spécifique
·         constante
·         indépendante d’une éventuelle atteinte coronaire, valvulaire ou d’une HTA, même chez les sujets jeunes (< 30 ans).
·         Début
Asymptomatique, marquée par une hypertrophie myocardique concentrique.
Possible dyspnée d’effort.
À ce stade, la fonction systolique reste normale.
Le syndrome hyperkinétique (augmentation de l’index cardiaque) est en effet constant. Même à ce stade précoce, des troubles du rythme et/ou de la conduction peuvent être observés.
·         Stade tardif, très rare, un tableau d’insuffisance cardiaque congestive.
À l’échocardiographie apparaît alors une dilatation variable des cavités.
iii.            Valvulopathies
Possibles ; la prévalence augmente avec l’ancienneté de la maladie et persiste souvent malgré un traitement efficace de l’acromégalie.
c.       Complications rhumatologiques
i.            Arthropathie acromégalique périphérique
·         Touche typiquement les grosses articulations : genoux, épaules, poignets et hanches
arthralgies de type mécanique mais aussi parfois inflammatoire
surviennent en moyenne 10 ans après le diagnostic
·         A la radiographie    interlignes articulaires élargies
ostéophytes exubérants
ossifications des insertions tendineuses
ii.            Atteinte axiale
·         Lombalgies de type mécanique le plus souvent
·         Radiographies mettent en évidence la classique spondylose d’Erdheim
coulées ostéophytiques antérieures et latérales des corps vertébraux
aspect biconcave des vertèbres avec concavité exagérée du mur vertébral
postérieur   
d.      Complications métaboliques
·         Le diabète sucré plus que l’intolérance au glucose.
·         Lithiases urinaires, liées à une hyperparathyroïdie primaire.
e.      Complications respiratoires
i.            Syndrome d’apnées du sommeil
Touche 60 à 80 % des acromégales avec une prédominance masculine.
des apnées typiquement obstructives ou mixtes et liées
aux modifications anatomiques entraînées par la croissance mandibulaire et maxillaire,
à l’épaississement des tissus mous, en particulier au niveau du palais et de la luette,
et à la macroglossie,
ainsi qu’aux modifications dans l’angulation des différents segments osseux.
ii.            Altération de la fonction respiratoire
Fréquente
Due aux modifications                anatomiques ostéo-cartilagineuses au niveau du thorax
(thorax en tonneau)
et mécaniques de l’élasticité thoracique
et l’atteinte des muscles inspiratoires entraînent des troubles de ventilation.
L’augmentation de la capacité pulmonaire totale est liée à celle de la taille des alvéoles.
Une hypoxémie infraclinique peut être notée.
La ventilation-perfusion est normale.
f.        Risque néoplasique
i.            Tumeurs digestives
Des polypes coliques sont trouvés chez 45 %, le risque de cancer colique est multiplié par deux à trois.
ii.            Tumeurs thyroïdiennes
Un goitre est trouvé chez 25 à 90 % des acromégales.
Le risque de développer des nodules augmente avec l’ancienneté de la maladie.
Le goitre multinodulaire peut être autonome (« toxique ») chez 10 à 20 % des patients et parfois à l’origine d’une hyperthyroïdie patente.
Les nodules thyroïdiens sont généralement bénins et le risque de cancer thyroïdien ne semble pas supérieur.
a.      Syndrome de McCune-Albright
une puberté précoce
une dysplasie fibreuse des os
et des taches “café au lait”
b.      NEM 1
Acromégalie
Hyperparathyroïdie
Tumeurs endocrines digestives
c.       Complexe de Carney
Acromégalie
Hyperplasie micronodulaire pigmentée bilatérale des surrénales (à l’origine d’un hypercorticisme ACTH-dépendant)
Myxomes cutanés ou cardiaques
d.      un gigantisme : acro-gigantisme


Le diagnostic d’acromégalie, suggéré cliniquement, est confirmé biologiquement.
·         Clinique : syndrome dysmorphique, organomégalie, complications
·         Paraclinique : GH élevée, IGF-1 élevée et GH (nadir) élevée à l’HGPO.

Syndrome de Marfan

syndrome tumoral hypophysaire
autres complications
Polysomnographie
ECG de repos 12 dérivations
Echocardiographie Doppler
Bilan phospho-calcique, fonction rénale et échographie rénale
Coloscopie
Echographie thyroïdienne
Glycémie à jeun, HbA1c
De moins en moins utilisées
Augmentation du volume de la selle turcique
D’autres modifications osseuses
Recherche une compression du chiasma optique
Micro (< 10 mm) ou macro-adénome (> 10 mm)
a.      Signes indirects
asymétrie ou bombement d’une hémi-hypophyse
bombement global et soulèvement du diaphragme sellaire
déviation latérale de la tige pituitaire vers la lésion
b.      Microadénome
Image        arrondie
                        bien circonscrite
                        homogène
                        T1 discrètement hypodense ou iso-dense
                        T2 hypo, iso ou hyper-dense
Après injection de gadolinium, le micro-adénome apparaît hypo-dense
c.       Macroadénome
Isodense en T1
Hyper-dense après injection de gadolinium
d.      Expansions tumorales extra-sellaires
Recherche    une insuffisance anté-hypophysaire
                        une hyperprolactinémie parfois

a.      Adénome hypophysaire somatotrope
·         Adénomes hypophysaires somatotropes purs (60 %),
soit à cellules riches en grains de sécrétion, avec immunomarquage diffus,
soit à cellules pauvres en grains de sécrétion à immunomarquage éparpillé dans certaines cellules.
·         Adénomes hypophysaires somatotropes purs mixtes,
Prolactine
TSH
voire ACTH
b.      Syndrome de McCune-Albright
En rapport avec une mutation somatique activatrice de la sous-unité alpha de la protéine Gs.
c.       Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1)
Liée à une mutation germinale de la ménine.
d.      Complexe de Carney
En rapport avec une mutation germinale de la sous-unité régulatrice 1 de la protéine kinase A (PRKAR1A).
e.      Acromégalies familiales
·         Hypersécrétion de growth hormone releasing hormone (GHRH) eutopique, d’origine hypothalamique (gangliocytome, hamartome, choristome, gliome, etc.)
ou, plus souvent ectopique, périphérique (tumeur endocrine pancréatique ou bronchique, de type carcinoïde) stimulant l’hypophyse normale qu’elle hyperplasie, conduisant à une hypersécrétion secondaire de GH.
Une concentration plasmatique élevée de GHRH et la mise en évidence de la tumeur endocrine sécrétant la GHRH (bronchique ou pancréatique généralement) permettent de faire le diagnostic.
·         Une hypersécrétion de GH a également été observée, soit à partir d’un adénome hypophysaire ectopique (sinus sphénoïdal, os temporal pétreux, cavité nasopharyngée), soit, mais c’est exceptionnel, à partir d’une tumeur périphérique (tumeur pancréatique de type insulaire ou lymphome).


·         Soulager les symptômes,
·         Réduire le volume de la tumeur hypophysaire,
·         Eviter sinon prendre en charge les récidives et les complications,
·         Améliorer la morbidité et la mortalité au long cours de l’acromégalie

Traitement de première intention, lorsqu’il est possible, constitue le gold standard
L’exérèse, par voie trans-sphénoïdale le plus souvent, permet une normalisation de GH/IGF-1 dans 40 à 70 % des cas environ.
Les résultats dépendant      de la taille de la tumeur
des concentrations de GH pré-opératoires
et de l’expérience du chirurgien.
L’endoscopie n’a pas amélioré les résultats de la chirurgie.
Le succès chirurgical est évalué au 3ième mois post-opératoire.
Agonistes dopaminergiques
La cabergoline (Dostinex) 2 mg/semaine
a.      Analogues de la somatostatine
L’octréotide à la dose de 100 à 200 μg, 2 à 3 fois/jr par voie sous-cutanée
Le lanréotide à libération prolongée,       
les 10 à 14 jours par voie IM tous les 28 jours
par voie sous-cutanée profonde, dosée à 60, 90 ou 120 mg.
L’octréotide LP, administrée tous les mois par voie IM.
Les deux analogues ont une efficacité comparable
La réduction du volume de l’adénome est d’autant meilleure que les patients sont traités en 1ière intention par SA.
Parfois être utilisé en 1ière intention, particulièrement en cas de comorbidités sévères exposant à un risque de complications péri-opératoires.
De très volumineuse et s’étend en dehors de la selle turcique et qu’il n’est pas possible de la réséquer en totalité chirurgicalement
Le pasiréotide est un nouvel SA qui semble plus efficace que l’octréotide
b.      Antagonistes de GH, pegvisomant
Il est introduit lors d’un échec des analogues de la somatostatine, généralement en monothérapie.
Il est administré voie sous-cutanée, à la dose de 10, 15 ou 20 mg, voire plus, par jour, la dose étant adaptée à la réponse hormonale (normalisation de l’IGF-1).
Traitement de 3ième intention
L’irradiation peut être administrée
en une séance par radiochirurgie stéréotaxique (RCS) ;
ou de manière fractionnée.
La radiochirurgie stéréotaxique (gammaknife, accélérateur linéaire) ou la radiothérapie fractionnée (RF)
La radiothérapie s’accompagne néanmoins d’une insuffisance antéhypophysaire, d’importance variable, dans 50–80 à 100 % des cas après 10 à 15 ans.
Les complications exceptionnelles   
radionécrose
ou neuropathie optique.
Les accidents vasculaires cérébraux.

La stratégie thérapeutique doit prendre en compte
les avantages
les coûts
et les inconvénients de chaque type de traitement.
Actuellement, si le traitement chirurgical n’a pas permis une guérison de l’acromégalie, on recommande généralement, plutôt qu’une radiothérapie d’emblée, le traitement médical par les SA (éventuellement précédé d’un essai d’agonistes dopaminergiques, en particulier si les concentrations d’IGF-I sont modérément augmentées).
En cas d’échec des SA, on propose généralement, avant de décider une radiothérapie, un traitement par pegvisomant.


CONCLUSION

Références

Collèges des enseignants d’Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques ; 3ième édition
KB Endocrinologie-Nutrition 2012